Analyse d’un phénomène médiatique

Au printemps 2016, un phénomène médiatique horticole est apparu sur les réseaux sociaux. Marthe Laverdière des Serres Li-Ma est devenue une vedette instantanée du Web. Sa manière de s’exprimer n’est pas sans rappeler (plusieurs médias en ont fait mention) le regretté Ronald Leduc. Il est intéressant d’identifier quels sont les mécanismes qui ont amené à un tel engouement pour ces capsules.

 

Petit avertissement

La réflexion qui suit n’est, en aucun cas, une critique des différentes capsules présentées. Son objectif est de comprendre les nouveaux mécanismes de communication. De plus, je ne fais pas ici la promotion de telle ou telle série de vidéos. J’essaie d’avoir une analyse objective, positive et constructive. Je ne me prononce pas ici sur le fond, mais bien sûr la forme.

 

Le phénomène Marthe Laverdière

Après seulement quelques publications, les vidéos de Mme Laverdière sont rapidement devenues virales sur le Web. Au cours de la saison, les vidéos ont été visionnées entre 60 000 à 600 000 fois suivant le sujet. Sûrement un record pour des capsules de jardinage.

Ce qui est intéressant de constater c’est l’effet de cette popularité instantanée a eu sur les médias traditionnels. Mme Laverdière a fait des apparitions aussi bien à Radio-Canada (reportage aux bulletins de nouvelles, Entrée principale, Montréal Maintenant, On n’est pas sorti de l’auberge, etc.) qu’au réseau TVA (Sucré salé, Ça finit bien la semaine, Vlog, Salut Bonjour, etc.) pour ne citer que quelques émissions. Il y a eu aussi plusieurs interventions à la radio. Journaux et blogues en ont parlé. Le public atteint est donc très large.

 

Pendant ce temps-là, ailleurs dans les médias

Au cours du printemps et de l’été, trois autres initiatives ont été diffusées. Voici quelques données à partir des informations dont je dispose.

Chaque capsule du Jardinier branché avec Albert Mondor a été vue environ 50 000 fois sur le Web et à la télé.

Chaque capsule de Mélanie et Jean Grégoire a été visionnée entre 5 000 à 18 000 fois, mais seulement sur le Web (pas de diffusion télé).

Chaque capsule de Jardin top chrono de 10 400 à 13 000 a été visionnée sur Internet. Il faut ajouter une cote d’écoute télé de 300 à 400 000 téléspectateurs.

 

Les médias traditionnels à la remorque des réseaux sociaux

Une première constatation que l’on peut faire c’est que la radio et la télé sont à la remorque des médias sociaux. Il a fallu un « buzz » sur le Web pour faire de Mme Laverdière une vedette.

La leçon que l’on peut en tirer c’est qu’il faut une performance Web pour percer dans les médias traditionnels, et non le contraire.

 

Pourquoi ce « buzz »?

Pour tenter de trouver une réponse à cette question, on peut analyser la forme des capsules vidéos.

Le moins que l’on puisse dire c’est que les capsules de Mme Laverdière sont décomplexées. Le langage y est cru et parfois vulgaire. Surtout, il est simple et compréhensible. Madame tout le monde parle à Madame tout le monde. Pas d’experts, de spécialistes, pas de langage savant. Pas non plus de mise en scène et de gros moyens techniques. Simplicité d’exécution et de langage, ainsi qu’une bonne dose d’humour caractérisent ces présentations.

Les capsules du Jardinier branché sont quant à elles plus mises en scène, plus travaillées. Un expert, Albert Mondor, utilise un langage simple et surtout de l’humour. De petites mises en scène drôles viennent « casser » l’image de spécialiste d’Albert. C’est rafraîchissant, facile d’approche, et les projets présentés sont originaux.

Les vidéos de Mélanie et Jean Grégoire offrent une particularité intéressante : ils sont intergénérationnels. Bien que l’on ait affaire à des spécialistes, les moyens techniques sont simples et s’il y a une mise en scène elle n’est pas apparente. Les horticulteurs nous invitent dans le potager de Mélanie, et ils n’ont pas peur de montrer leurs erreurs, et parfois même leurs petits désaccords, le tout dans la bonne humeur. Il est intéressant de constater la simplicité du propos et du tournage.

Finalement, les capsules Jardin top chrono sont les plus mises en scène, construites et conventionnelles. Une comédienne est supportée par des experts. On cherche à passer un message précis et calibré. Fait à noter, ces capsules sont en fait des publicités créées pour la télévision.

 

Quelles leçons en tirer

Quelques leçons peuvent être tirées des constatations précédentes :

  • Une capsule qui fonctionne sur le Web n’est pas une capsule créée selon les standards des pubs télé.
  • Plus le langage est simple, abordable, facile à comprendre, plus il est écouté.
  • Moins l’animateur est un expert ou se colle à un rôle d’expert (voir à ce sujet Parler avec des experts? Non merci!) plus il paraît crédible.
  • Plus le tournage semble « amateur », moins il y a de mise en scène, plus les capsules sont regardées (une tendance déjà bien établie sur le Web).
  • L’humour semble une bonne manière d’intéresser et de retenir les internautes.

Une bonne visibilité pour notre industrie?

Avec leurs centaines de milliers de visionnements, les capsules de Mme Laverdière sont-elles bonnes pour l’industrie de l’horticulture? Certains pensent que oui, d’autres que non, d’autres encore qu’elles sont contre-productives! Pour affiner son jugement, il est bon de consulter les commentaires. Plusieurs disent : « Ah!, tiens, c’est facile le jardinage. », « Vous me donnez le goût de jardiner », « Je vais essayer vos trucs », etc. Bien entendu, ce type de commentaires ne représente qu’un tout petit pourcentage des entrées. Par contre, quand on sait que sur le Web, seul un faible pourcentage de personnes fait des commentaires, on peut se douter que l’intérêt pour le jardinage augmente. Ces capsules ne créent peut-être pas une vague de fond, mais apportent certainement un petit coup de main.

 

S’inspirer plutôt que copier

Il ne s’agit pas de copier ce que fait Mme Laverdière, mais bien d’utiliser les composantes qui font son succès. Identifier et s’inspirer des éléments de communications qui sont efficaces peut nous aider à mieux performer. La réussite de Mme Laverdière nous oblige surtout à nous questionner sur notre manière de communiquer et sur le vocabulaire technique que nous utilisons (je ne parle pas bien sûr du langage cru).

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