Parler avec des experts? Non merci!

Les jeunes générations de « jardiniers » n’aiment pas les experts… car ils ne se sentent pas eux-mêmes compétents en matière de jardinage. Plusieurs études menées au Canada et aux États-Unis démontrent que ces jeunes générations ne se considèrent pas comme des « jardiniers » au sens traditionnel du terme. Ils sont mal à l’aise avec les termes techniques et ne s’estiment pas comme des spécialistes du jardin. On sait aussi qu’ils ne s’intéressent pas et n’apprennent pas sur le jardinage comme leurs parents, notamment les babyboumeurs.

Cela pose bien sûr un problème. Comment les nommer alors qu’ils refusent de se définir comme des « jardiniers ». Agriculteur urbain? Potageur? Potageur urbain? Biopotageux? Potageux? Potagiste? Urbainculteur? Jardineur? Jardiculteur?

Et puis, que font-ils? De l’urbainculture? De la jardiculture? Du jardipotager? De l’urbainpotager. Difficile d’établir une communication avec les nouvelles générations à partir de « concept » qui ne les interpellent pas (et que même dans les cas les plus extrêmes ils rejettent).

 

Être un coach plutôt qu’un expert

Les jeunes générations de « jardiniers » n’aiment pas les experts! Pas de problème, il suffit de prendre l’habitude de leur parler comme un coach plutôt qu’en expert.

Un coach est une personne assurant un accompagnement individuel ou collectif. Il partage (le mot est important) des conseils personnalisés afin d’aider la personne à devenir plus autonome. Par contre, l’expert qui est une personne qui a acquis une grande connaissance, une grande habileté dans un domaine, diffuse (ici encore le mot est important) son savoir.

Dans une économie du partage (panier bio, agriculture soutenue par la communauté, covoiturage, Communauto, couchsurfing, Uber, Airbnb, etc.), partager et accompagner est beaucoup plus efficace que diffuser et prendre le risque que les nouveaux « jardiniers » se sentent rapidement incompétents.

En jardinerie, pour les entrepreneurs paysagistes et les architectes paysagistes, prendre cette attitude de coach plutôt que de vendeur ou de spécialiste donne accès à un nouveau bassin de clients.

 

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Les jeunes générations de « jardiniers » préfèrent parler avec un coach plutôt qu’avec un expert. Photo : Wikimedia Commons
Changer l’approche de communication

Cette nouvelle réalité doit se traduire par plusieurs modifications sur la manière de communiquer sur le « jardinage ». C’est urgent si on ne veut pas « perdre » ces nouvelles générations de « jardiniers ». Cette façon moderne de faire peut se traduire de plusieurs manières :

  • ne pas utiliser le jargon des horticulteurs et autres spécialistes, et simplifier le langage technique. Il faut éviter les mots complexes. Par exemple matière organique peut être remplacé par compost ou fumier composté. Bien entendu, pour les puristes ce n’est pas la même chose. Par contre pour les « jardiniers, c’est beaucoup plus compréhensible.
  • redéfinir la manière dont on parle des plantes. Si vous parlez à un « jardinier » des nouvelles générations d’un Cordyline australis, il n’aura aucune idée de ce dont vous parlez. Par contre, si vous lui dites que vous avez pour lui une « plante palmier à la silhouette architecturale, facile d’entretien, qui étonnera ses amis », il y a beaucoup plus de chance qu’il vous écoute.
  • prendre en considération le niveau de connaissance peu élevé en jardinage… et le fait que les jeunes générations de « jardiniers » n’ont aucun intérêt à apprendre plus que le minimum dont ils ont besoin pour réussir. Fini les grandes descriptions et les fiches de culture de plusieurs pages. En quelques lignes il faut apporter la stricte information nécessaire. Sinon on risque fort de ne pas être lu.
  • adapter la diffusion de l’information à leur mode d’apprentissage. Ils aiment les coachs, pas les experts. Au lieu d’utiliser « on doit faire ceci ou cela, il faut plutôt utiliser, « on pourrait faire ceci ou cela », « il est possible de faire ceci ou cela » ou encore « il serait possible de faire ceci ou cela » (ici l’usage du conditionnel est important).

 

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On doit se demander si les « vieilles » manières de commercialiser les plantes sont encore de mise aujourd’hui. Photo : Wikimedia Commons

 

Des défis à relever

C’est particulièrement en jardinerie que cette nouvelle manière de communiquer est importante. Les nouvelles générations font-elles la différence entre annuelles, vivaces, vivaces tendres, etc.? Connaissent-elles les plantes par leurs noms latins ou sont-elles à la recherche d’une plante haute, à fleur blanche qui va à la mi-ombre?

Pensez-y! Quant au restaurant le Toqué, vous commandez un Suprême de dinde, on ne vous demande pas si vous désirez manger « une bande de chair prélevée de part et d’autre de la carcasse d’un Meleagris gallopavo qui est nappée d’une sauce suprême saupoudrée de Petroselinum crispum var. crispum ». Simplifier et choisir un langage adapté est primordial.

Tous les professionnels de l’horticulture ornementale ou potagère devraient s’interroger sur leur manière de communiquer.

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Il faut revoir la manière de parler aux jardiniers. Le langage doit être simplifié.

 

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8 Commentaires

  • Chantal Veilleux

    Excellent article et bonne comparaison.
    J’ai utilisé les services de coach en différents domaines, selon mes besoins.

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  • François-Pierre Nadeau

    Le jardin hédoniste. On se rejoint là-dessus. Pas juste le jardin des « tâches » horticoles », mais l’espace où il fait bon vivre. Le bon équilibre entre le construit et le végétal, entre le « soft landscape » et le « hard Landscape ». Aller droit au but, pas tourner en rond avec un dictionnaire latin du nom des plantes, mais « voici comment çà pousse » et voici l’ambiance que vous obtenez.

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  • Marc Meloche

    Right on!

    Réalité qui me rejoint tout particulièrement puisque je suis justement Coach de jardin, un néo-métier qui met de l’avant la complicité plutôt que le dogmatisme.

    Bravo !

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    • Albert Mondor

      Coach de jardin ! J’adore ça ! En tout cas, c’est nettement mieux que nain de jardin ! Salutations à toi cher Marc. Albert

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      • Marc Meloche

        Salut Albert, toujours le mot pour rire ! J’ai comme l’impression que ce blogue va devenir le lieu de rencontre de la Nouvelle horticulture…même les extrémistes. Mes salutations. Marc 😉

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  • Albert Mondor

    Bravo Bertrand ! Plus je lis ton blogue, plus je suis enthousiasmé – parfois même un brin surpris – par l’originalité et la justesse de tes propos. Ta vision de l’horticulture «nouvelle vague» me plaît énormément ! Albert

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  • Lise Trudel

    Je suis venue au «coaching» en 2008, j’utilise le conditionnel et oui mes clients l’apprécient. Ils me considèrent comme leur sœur, belle-sœur, voisine, amie et même comme leur mère pour les plus jeunes…

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  • Horti Média Parlez-leur de projets plutôt que de plantes!

    […] je le signalais dans ma chronique, Parler à des experts? Non merci!, les jeunes générations ne se considèrent pas comme des « jardiniers » au sens traditionnel […]

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